Paris le 14/02/2006 Attention veuillez notez que le webmaster de ce site a pris connaissance pour la première fois d'une assignation à comparaître devant la Cour d'Appel de Paris en date du 13 février 2006. Le jugement reproduit ici même ne doit donc pas être considéré comme définitif. |
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Minute n° 2
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS
République française
Au nom du peuple français JUGEMENT
rendu le 14 Mars 2005
17ème Ch. Presse-civile N° RG : 02/17494
NB
ASSIGNATION du : 08 Novembre 2002
DEMANDEUR
M. Claude VORILHON
XXXXX représenté par la SCP FLORAND, avocats au barreau de PARIS, vestiaire P 227
DÉFENDEURS
M. Nicolas BELLET DE TAVERNOST, Président du Directoire de la SA Métropole Télévision,
XXXXX
représenté par la SCP DEPREZ DIAN GUIGNOL avocats au barreau de PARIS, vestiaire P221
M. Xavier MARTIN-DUPONT
XXXXx
représenté par Me Pierre WETZEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire B0220
M. Roland CHEVALEYRE
XXXX
représenté par Me Nicolas BRAULT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire J46
Expéditions exécutoires délivrées le :
MONSIEUR LE PROCUREUR de la RÉPUBLIQUE près LE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de PARIS, auquel l'assignation a été régulièrement dénoncée
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Magistrat ayant participé au débat et au délibéré
M. BONNAL, Vice-Président
président de la formation
Mme SAUTERAUD, Vice-Présidente M. BOURLA, Premier-Juge
assesseurs
assistés de Mme VAIL, Greffier
DEBATS
A l'audience du 31 Janvier 2005 tenue publiquement
JUGEMENT
Prononcé en audience publique Contradictoire
En premier ressort
Vu l'assignation que, par acte en date du 8 novembre 2002, dénoncé au ministère public le même jour. Claude VORILHON a fait délivrer à Nicolas BELLET de TAVERNOST, Xavier MARTIN-DUPONT et Roland CHEVALEYRE, par laquelle il est demandé au tribunal :
- à la suite de la mise en ligne, sur le site internet accessible à l'adresse www.zelohim.org, de l'émission intitulée "ZONE INTERDITE Sectes, escrocs et manipulateurs" qui avait été diffusée précédemment par la chaîne de télévision M 6 le 10 avril 2001 à 20h50, et particulièrement de certains passages de cette émission au cours desquels intervient Roland CHEVALEYRE,
- au visa des articles 29, alinéa 1er, et 32, alinéa 1", de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse,
- la condamnation solidaire des défendeurs à lui payer les sommes de 76 224,51 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et de 7 622,45 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, sous le bénéfice de l'exécution provisoire ;
Vu la remise au greffe d'une copie de l'assignation le 28 novembre 2002 ;
Vu les nouvelles assignations qu'a fait délivrer Claude VORILHON aux mêmes fins par actes des 12 septembre puis 8 décembre 2003 à Xavier MARTIN-DUPONT, lequel n'avait pas comparu ;
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Vu les conclusions interruptives de prescription régulièrement signifiées en demande les 24 février. 18 avril, 16 juillet, 8 septembre et 10 décembre 2003 et 9 février, 6 mai, 14 juin, 23 juin, 23 septembre et 5 novembre 2004
Vu les dernières écritures régulièrement signifiées :
- le 24 septembre 2004 par Xavier MARTIN-DUPONT, qui soulève une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action, l'enregistrement litigieux ayant été mis en ligne plus de trois mois avant la délivrance de l'acte introductif d'instance, demande que soit déclarée irrégulière en la forme la première assignation qui lui a été délivrée, pour non respect des exigences de l'article 659 du nouveau code de procédure civile, estime non caractérisés les liens de complicité entre les différents défendeurs allégués par le demandeur, invoque le bénéfice de la bonne foi et poursuit, en tout état de cause, la condamnation du demandeur à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de ses frais irrépétibles,
- le 2 novembre 2004 par Nicolas BELLET de TAVERNOST, qui excipe de la nullité de l'assignation pour défaut de notification au parquet, soulève diverses fins de non-recevoir tirées de la prescription de l'action, avant et après la délivrance de l'assignation, et l'irrecevabilité (et, subsidiairement, le mal fondé) des demandes formées à son encontre, faute qu'il puisse être recherché à l'un quelconque des titres énumérés à l'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, subsidiairement, au fond, fait valoir que la publicité ne lui est pas imputable, que l'action aurait dû être engagée sur le fondement des dispositions de l'article 32, alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 et que l'infraction poursuivie de diffamation envers particulier n'est donc pas constituée, que les propos ne contiennent, en tout état de cause, pas l'imputation de faits précis et contraires à l'honneur, que sa bonne foi est démontrée, cependant que le préjudice allégué parle demandeur ne l'est pas et, en tout état de cause, poursuit la condamnation de ce dernier à lui payer les sommes de 3 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- le 22 novembre 2004 par Roland CHEVALEYRE, qui excipe de la nullité de l'assignation, en raison des incertitudes portant tant sur la teneur et la source des propos incriminés et sur la publication poursuivie elle-même que sur la qualité des personnes mises en cause et le texte applicable à la poursuite, soulève diverses fins de non-recevoir tirées de la prescription de l'action, avant comme après la délivrance de l'acte introductif d'instance, subsidiairement, au fond, fait valoir son absence de participation à la publication litigieuse et le défaut de démonstration d'un préjudice par le demandeur et poursuit également, en tout état de cause, la condamnation de ce dernier à lui payer deux sommes de 5 000 euros, à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, d'une part, et en paiement des frais irrépétibles qu'il a engagés, d'autre part,
- le 5 novembre 2004 par Claude VORILHON, qui réplique aux moyens de procédure soulevés en défense, précisant qu'il a dénoncé son assignation au ministère public, laquelle désigne avec précision les propos poursuivis et les textes applicables à la poursuite, soulevant, par ailleurs, l'irrecevabilité de
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l'exception de nullité dont M. MARTIN-DUPONT n'a pas argué avant toute fin de non-recevoir, indiquant qu'il recherche la responsabilité de M. BELLET de TAVERNOST sur le fondement de la complicité de droit commun et soutenant que son action n'est pas prescrite, réplique aux défenses au fond qui lui sont opposées, conclut au rejet des demandes reconventionnelles formées contre lui et maintient l'intégralité de ses réclamations ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 6 décembre 2004 ; MOTIFS DE LA DÉCISION Sur les exceptions de nullité de l 'assignation
L'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, dont aucun texte n'écarte l'application en matière civile, dispose que la citation "précisera et qualifiera le fait incriminé, [...] indiquera le texte de loi applicable à la poursuite" et sera notifiée au ministère public.
Le demandeur a régulièrement dénoncé au ministère public son acte introductif d'instance le 8 novembre 2002. L'exception de nullité soulevée de ce chef par Nicolas BELLET de TAVERNOST sera, en conséquence, rejetée.
Dans son assignation, Claude VORILHON reproduit intégralement les propos qu'il incrimine, tenus par le journaliste et Roland CHEVALEYRE. Il précise par ailleurs que le support poursuivi de ces propos est la mise en ligne sur le site internet accessible à l'adresse www.zelohim.org de l'intégralité d'une émission intitulée `"ZONE INTERDITE : Sectes, escrocs et manipulateurs" qui avait été précédemment diffusée, au mois d'avril 2001, par la chaîne de télévision M 6.
Par ailleurs, la retranscription qu'il donne par écrit dans le corps de l'acte des passages litigieux correspond aux propos tels qu'accessibles sur internet et n'introduit donc aucun doute sur la nature et l'étendue de ce qui est incriminé.
Les défendeurs étaient donc en mesure, à la lecture de l'assignation, de connaître quelles paroles exactes leur étaient reprochées et ne pouvaient se méprendre sur le fait que les dites paroles étaient extraites du fichier image et son permettant de visualiser et d'entendre l'émission litigieuse sur le site internet, lequel constituait le seul support incriminé, à l'exclusion, non seulement, de la diffusion télévisée initiale de l'émission, mais aussi des différentes retranscriptions, totales ou partielles de celle-ci, qui étaient parallèlement accessibles sur le même site (sous forme de retranscription écrite d'extraits, d'une part, et de bande sonore intégrale, d'autre part).
En visant les articles 29, alinéa 1", et 32, alinéa 1", de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, le demandeur, qui n'était pas tenu de préciser s'il recherchait la responsabilité des personnes assignées sur le fondement des dispositions des articles 42, 43 et 44 de cette loi ou de l'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle. a satisfais à l'exigence d'indication du texte de loi applicable à la poursuite rappelée ci-dessus et a mis les défendeurs dans la possibilité d'organiser utilement leur défense.
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L'exception de nullité soulevée par Roland CHEVALEYRE sera, en conséquence, également rejetée.
L' exception présentée par Xavier MARTIN-DUPONT pour défaut de régularité de l'assignation, par non respect des prescriptions des articles 656, 659 et 663 du nouveau code de procédure civile, n'a pas, contrairement à ce qu'exigent les dispositions de l'article 74 du même code, été présentée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, puisqu'avant de l'évoquer, ce défendeur a fait d'abord valoir, dans ses écritures, des fins de non-recevoir tirées de diverses causes de prescription de l'action. C'est à juste titre, en conséquence, que Claude VORILHON fait valoir qu'elle est irrecevable.
Sur les fins de non-recevoir tirées de la prescription de l'action
C'est à bon droit que Xavier MARTIN-DUPONT soutient que, lors du premier acte de poursuite, à savoir la délivrance de l'assignation, le 8 novembre 2002, les propos litigieux avaient été mis en ligne pour la première fois plus de trois mois auparavant, de telle sorte que l'action doit être déclarée prescrite en application des dispositions de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881.
Ce défendeur démontre, en effet, qu'il a acquis le nom de domaine www.zelohim.org le 12 avril 2002 et que son site internet, précédemment hébergé par le fournisseur multimania et accessible à l'adresse www.multimania.com/xmd/zelohim/zelohim.htm, a pu être joint à cette nouvelle adresse à partir de cette date.
Il n'est pas contesté par le demandeur, qui justifie de ses prétentions contre M. MARTIN-DUPONT en qualité de responsable du site internet www.zelohim.org en produisant un bordereau d'enregistrement auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), non pas du site litigieux, mais du site ww-w.multimania.com/xmd/zelohim/zelohim.htm - document où figure le nom de ce défendeur à la rubrique "déclarant"-, que ce changement d'adresse n'a pas entraîné de modification du site et ne constitue donc pas un nouvel acte de publication susceptible de faire courir un nouveau délai de prescription.
Il résulte du constat d'huissier dressé le 13 novembre 2002 par le demandeur (sa pièce 10) que les passages litigieux de l'émission qu'il poursuit étaient accessibles sur support vidéo, à cette date, sur le site www.zelohim.org, dont ils constituaient le fichier que cet officier ministériel dénomme "windows Media "TM" clip roland chevaleyre" mais qui est désigné, sur la capture d'écran qui constitue l'annexe 5 de son constat, sous le nom "roland1. WMV".
Le demandeur, se fonde, pour affirmer que ce fichier a été mis pour la première fois en ligne le 12 août 2002, sur la constatation de l'huissier qui relève qu'il porte la mention "Copyright 12/08/2002".
Or, Xavier MARTIN-DUPONT établit que ce fichier vidéo était, au 8 juillet 2001, déjà présent sur son site, alors , accessible à l'adresse www.multimania.com/xmd/zelohim/zelohim.htm, sous les noms "roland1.avi" et "roland2. avi" (pièces en annexe 5 de ce défendeur) et indique, sans être contredit, qu'un changement d'hébergeur, auquel il a procédé le 12 août 2002,
l'a conduit à une substitution de format vidéo qui s'est traduite par le changement d'extension ("WMV' remplaçant "avi") du nom de fichier et par l'enregistrement de la date de cette intervention. Cette opération strictement technique n'ayant apporté aucune modification à la teneur même des fichiers n'a pu davantage constituer une nouvelle mise en ligne susceptible de faire courir un nouveau délai de prescription.
Ces éléments techniques sont, en tout état de cause, confirmés par l'attestation, régulière en la forme et au contenu non contesté, de Jérôme PROVOST (pièce en annexe 6 de M. MARTIN-DUPONT), datée du 14 juillet 2004, et de laquelle il résulte que les extraits litigieux de l'émission diffusée en avril 2001 par la chaîne de télévision M 6 étaient accessibles sous forme de fichiers vidéos, que cet internaute a personnellement visionnés "avant la fin de l'année 2001" ,"vers la fin de l'été, ou en automne 2001" .
I1 en résulte que les propos litigieux, sous forme de fichiers vidéos, étaient en ligne sur le même site internet depuis plus de trois mois lorsque le demandeur a entamé les poursuites par son assignation du 8 novembre 2002. II sera, en conséquence, fait droit à la fin de non-recevoir tirée de l'acquisition de la prescription.
Sur les autres demandes
Nicolas BELLET de TAVERNOST et Roland CHEVALEYRE ne démontrent pas que Claude VORILHON, qui a pu se méprendre sur l'étendue de ses droits, a abusé du droit d'agir en justice. Leurs demandes en dommages et intérêts formées à ce titre seront, en conséquence, rejetées.
Il y a lieu, en équité, de condamner Claude VORILHON à payer à chacun des défendeurs la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles par eux exposés pour défendre à l'action engagée contre eux.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal,
Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,
REJETTE les exceptions de nullité présentées par Nicolas BELLET de TAVERNOST et Roland CHEVALEYRE sur le fondement des dispositions de l'article 53 de la loi de 1881 ;
DIT IRRECEVABLE l'exception de nullité soulevée par Xavier MARTIN-DUPONT pour violation des articles 656, 659 et 663 du nouveau code de procédure civile ;
DIT l'action de Claude VORILHON irrecevable, comme prescrite ;
DÉBOUTE Nicolas BELLET de TAVERNOST et Roland 'CHEVALEYRE de leurs demandes en dommages et intérêts pour procédure abusive ;
CONDAMNE Claude VORILHON à payer à Nicolas BELLET de TAVERNOST, Xavier MARTIN-DUPONT et Roland CHEVALEYRE, à chacun, la somme de DEUX MILLE EUROS (2000euros) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
CONDAMNE Claude VORILHON aux dépens ;
ACCORDE à la SCP DEPREZ DIAN GUIGNOT le droit de recouvrer directement les dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision dans les conditions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Fait et jugé à Paris le 14 Mars 2005
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